JF Lebrun - T. Pichot - D. Graindorge et l’équipe scientifique.
Le Chirp est en route. Ce sondeur fait résonner dans le bateau comme un sifflement aigu d’oiseaux "tchuiiirp" toutes les 4 à 5 secondes. Il s’agit d’un sondeur acoustique de haute fréquence qui émet des ondes acoustiques en balayant les fréquences comprises entre 1,5kHz et 5,5kHz pendant une durée de 80ms. Ces fréquences sont audibles par nos oreilles comme un son de plus en plus aigu.
L’intérêt de ce sondeur est qu’il permet la réalisation de profils sismiques qui imagent en détail les dépôts sédimentaires dans les bassins sur une épaisseur relativement faible (50 à 100m) mais avec une résolution verticale très fine (de l’ordre du mètre). C’est pourquoi on l’appelle le sondeur de sédiment. Les ondes de hautes fréquences (f), donc de courte longueur d’onde (l) (l=V/f), permettent de donner une image des formations superficielles avec pratiquement la même vision que si l’on se trouvait devant une falaise pour observer sa stratification. En contrepartie, les ondes de hautes fréquences sont fortement atténuées en traversant les sédiments c’est pourquoi elles n’imagent que les premières dizaines de mètres.
Figure 1 :
Profil de sondeur de sédiment "Chirp" en noir et blanc superposé sur un profil de sismique profonde en jaune et noir.
En imagerie acoustique il faut toujours faire un choix entre une haute résolution
avec des ondes de haute fréquence mais de faible pénétration ("Chirp")
et une forte pénétration avec des ondes de basse fréquence mais de faible résolution (sismique profonde).
L’acquisition des données du "Chirp" est contrôlée dans la salle d’acquisition. L’écran donne une image sismique au fur et à mesure de l’acquisition pour vérifier le bon fonctionnement du sondeur. Les données sont ensuite traitées avec un logiciel adapté qui permet d’améliorer la qualité des traces sismiques et de les assembler pour obtenir un profil sismique "Chirp".
Photo 1 : Contrôle de l’acquisition par Yohan, électronicien de Génavir.
Photo 2 : Traitement des données par David, enseignant-chercheur de l’Université de Bretagne Occidentale.
Les scientifiques s’attachent ensuite à interpréter les profils. Il s’agit de reconnaître dans l’enregistrement l’organisation de dépôts sédimentaires empilés successivement. Le chirp permet également grâce à l’aspect de l’image de se faire une idée de la nature des sédiments. Si une couche du profil apparaît pratiquement transparente aux ondes acoustiques il s’agit probablement de sédiments grossiers déposés en masse. Si en revanche elle apparaît finement litée, il s’agit sans doute de dépôts argileux turbiditiques. On peut aussi reconnaître des structures tectoniques comme des plis ou des failles.
Photo 3 : Séance d’interprétation, calques, crayons de papier et gommes,
c’est parti tout le monde s’y met pour enfin savoir ce qui s’est passé...
En géologie, il faut toujours garder à l’esprit que quand on regarde une coupe du bas vers le haut, on regarde le temps qui passe ! Effectivement les sédiments les plus vieux sont recouverts par les sédiments plus récents. C’est grâce à l’observation de l’empilement des unités sédimentaires que l’on reconstitue l’histoire géologique du bassin.
Figure 2 : Interprétation sur un papier calque d’un profil sur la marge au large de l’île de St Martin.
Comme le "Chirp" nous montre en détail les dépôts les plus superficiels et donc les plus récents, on interprète l’histoire géologique des dernières dizaines à centaines de milliers d’années. C’est la géologie active !
Figure 3 : Exemple dans le bassin de Sombrero du décalage des sédiments le long d’une structure subverticale. Le décalage affecte les sédiments jusqu’aux plus récents. Il s’agit donc bien d’une faille active